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Ce rapport est publié sur mon espace Wikipédia personnel.

Rapport d’expérience

Ce rapport comporte deux parties: la première recense mes contributions de manière plus factuelle; la deuxième partie comporte une réflexion sur cette expérience.

Compte-rendu de mes contributions

J’ai débuté ma série de contributions par la page Culture numérique. J’ai entamé un certain nombre de sujets de discussion, dont celle sur l’article Technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement sur l’utilisation de logiciels de visioconférence, et en particulier la plateforme propriétaire Zoom, grande absente (considérant la pandémie actuelle et le choix massif des universités à employer cette solution) de ce long article. Cette discussion, aussi pertinente soit-elle à mon avis, a suscité quelques commentaires, mais aucun ajout ne s’est concrétisé sur la page, faute de suivi.

Mes contributions se sont multipliées vers quelques articles techniques (Pandoc, Markdown, GitHub Flavored Markdown, Numérique, Analogique, Modélisation et d’autres).

Critical code studies et software studies

Néanmoins, la majorité de mes efforts ont été consacrés à la mise sur pied des brouillons de deux articles intimement liés au cours et inexistants sur le Wikipédia francophone: les critical code studies («études critiques du code») et les software studies («études logicielles»). L’idée m’est venue lors de la séance d’introduction. Un petit projet est né.

Capture d’écran (10 septembre 2020): proposition de travailler sur les articles francophones dans la discussion du séminaire.

J’ai lu l’ouvrage Critical Code Studies (2020) de Mark C. Marino, dont les deux premiers chapitres étaient au programme du cours. Cette lecture canonique, en plus de la séance du séminaire dédiée à son sujet, m’a éclairé sur le concept des études critiques du code, en plus de citer plusieurs ouvrages que nous avons pu répertorier en bibliographie.

Capture d’écran: passages de l’ouvrage Critical code studies, surlignés par moi (j’ai reporté par la suite mes annotations sur la version commune en ligne, annotable collectivement grâce à l’outil Hypothes.is.)

Répartition des contributions

Mes contributions sont réparties de manière relativement équilibrée entre trois activités principales: un quart (25%) de mes modifications sont consacrées à la discussion, un tiers (33%) à la modification des pages d’articles, et l’essentiel de l’activité restante à ma page utilisateur (41%), un chiffre gonflé en raison du travail concentré sur les deux brouillons hébergés dans mon espace utilisateur, ceux des études critiques du code et des études logicielles.

Graphique: répartition de mes éditions sous le pseudonyme Loupbrun

Le trou entre le 8 octobre et le 18 octobre

Dans le cadre de l’exercice, il était demandé de contribuer de façon continue pendant au moins 30 jours distincts, entre le 10 septembre et le 25 octobre. Bien que j’ai cherché dès le premier jour à trouver des pistes de contributions et à les partager dans le groupe de discussion du séminaire (idées de sujets, démarrages de discussions), j’ai complètement mis en veilleuse mes contributions, probablement en raison d’une lassitude généralisée liée à la pandémie et aux récentes mesures de reconfinement, ainsi que les efforts liés à d’autres projets concurrents.

Capture d’écran: historique de contributions pour l’utilisateur Loupbrun. Il y a un trou pour la période du 8 au 18 octobre 2020.

Néanmoins, le reste de mon activité demeure relativement étalée dans le temps avec un rythme similaire à celui prescrit (plus de 100 contributions distribuées dans une fenêtre de 45 jours), avec plusieurs ajouts majeurs dont les plus notables concernent les brouillons «études critiques du code» et «études logicielles».

Le vendredi 23 octobre 2020 j’ai procédé à la création des articles études critiques du code et études logicielles en bonne et due forme à partir des brouillons collaboratifs.

Capture d’écran: annonce en grande trombe dans le groupe de discussion le vendredi 23 octobre, suite à la création des nouveaux articles études critiques du code et études logicielles.

Perspective critique

Que m’a apporté cet exercice en tant que jeune littéraire du code, en tant qu’étudiant universitaire, en tant qu’internaute (qui consulte Wikipédia sur une base presque quotidienne), en tant que citoyen?

D’abord, je reconnais que mon implication n’aurait jamais été aussi intensive sans son caractère «obligatoire» (un minimum de contributions enregistrées sur une période prolongée sur une base presque quotidienne) dans le cadre du séminaire. Je témoigne ainsi à Marcello de ma reconnaissance, comme je le ferais à l’égard d’un entraîneur sportif qui me propose un programme d’entraînement au bout duquel on n’obtient les bénéfices qu’en ayant déployé des efforts dans la durée. Pour moi, la récompense a été l’aboutissement des brouillons sur les études critiques du code et sur les études logicielles – dont la création des articles ne représente pas une finalité en soi, mais plutôt une simple suite dans ce que le bibliothécaire Jean-Michel Lapointe qualifie de «gros brouillon qui évolue au fil du temps»1.

Je souhaite, et c’est assurément la visée de cet exercice, poursuivre mes contributions parallèlement à mes projets de recherche (scolaires et institutionnels). Le présent exercice s’ajoute ainsi à mon modeste bagage de culture des contributions – une culture bénévole motivée par le partage désintéressé du savoir à contre-courant d’une société productiviste (où la production et le rendement représentent des valeurs en saillie dans les discours commerciaux, industriels, mais aussi au sein d’institutions comme les universités et les centres de recherche) où l’activité économique est essentiellement capitalisée en fonction de valeurs financières. Wikipédia échappe même l’économie du lien des moteurs de recherche (dont les algorithmes favorisent les contenus notamment en fonction de leur référencement, c’est-à-dire par le nombre de sites web qui comportent des hyperliens vers eux), puisque l’encyclopédie libre a marqué toutes ses ancres vers des liens externes de la propriété HTML «nofollow», ce qui évite ainsi de distribuer de l’autorité2.

Revenons à la question: que m’a apporté cet exercice?

En tant que littéraire du code

En tant que jeune praticien et futur chercheur, «millénial», «natif du numérique», il m’importe de comprendre les dynamiques techniques, culturelles, sociales et politiques des technologies numériques qui façonnent notre monde dans une mesure incommensurable. Wikipédia est le seul parmi les grands joueurs du web qui n’appartienne pas à des intérêts privés (au moment d’écrire ces lignes, c’est le 13e site web recevant le plus de trafic au monde3), et il n’y a pas de meilleur moyen d’en comprendre le fonctionnement que par le travail d’écriture (certaines dynamiques sont d’ailleurs pratiquement insaisissables sans une participation active à l’écriture, comme les échanges lors d’un réel désaccord ou lorsqu’une contribution est supprimée par un autre utilisateur).

En tant qu’étudiant universitaire

L’apprentissage des rouages de Wikipédia et des compétences de lecture-écriture requises pour y contribuer sera doublement bénéfique, à la fois pour la communauté mondiale et pour le (futur) chercheur: les universitaires comptant parmi les principaux producteurs du savoir, leur contribution à Wikipédia est un apport collatérale de grande valeur pour la société (le chercheur bénéficie lui-même en retour de la qualité de l’information sur Wikipédia). Sa contribution lui permet également de prendre part à la diffusion d’un savoir de qualité et, par ricochet, de faire rayonner le résultat de ses propres recherches en-dehors d’une communauté savante.

En tant qu’internaute

Contribuer à Wikipédia, c’est aussi une façon d’apprendre à mieux lire cette encyclopédie collaborative.

Une littératie numérique (à mon avis cruciale aujourd’hui) implique non seulement des compétences de lecture, mais aussi d’écriture: la nature biface de Wikipédia incite les lecteurs-utilisateurs à ne pas simplement recevoir passivement de l’information, mais aussi d’y prendre part, tout en faisant preuve d’esprit critique: chaque information doit pouvoir être vérifiable (et donc sourcée, selon les normes de Wikipédia), ce que l’on apprend au fil des contributions.

En tant que citoyen

Je crois que le rôle de citoyen est indissociable du précédent (celui d’internaute), puisque nos activités dans le registre numérique n’ont rien de séparable de la «vraie vie», «en chair et en os»: nous habitons les espaces numériques (d’une manière non métaphorique), leur «place» dans nos quotidiens ne cesse de croître et de se naturaliser – en témoigne l’explosion dans les dernières années de la vente d’objets connectés destinés au grand public (Google Nest, Amazon Alexa, Apple iPhone/TV/Siri pour ne nommer qu’une poignée de canons commerciaux). Il importe d’interroger la nature de ces espaces, lesquels sont pour le moment largement plateformisés (Facebook pour les relations sociales, Netflix pour le divertissement) par des intérêts privés et dont le fonctionnement est plus souvent qu’autrement occulté à dessein.

Wikipédia est l’un des seuls grands médiums numériques communs qui échappe à la logique instrumentale de l’industrie des technologies numériques, en nous permettant non seulement de voir et de comprendre son dispositif (ce dernier reposant sur des logiciels libres, comme MediaWiki), mais aussi d'écrire son archi-«texture».

La culture des contributions, dans une perspective citoyenne plus large peut-être, nous incite à devenir des acteurs de nos espaces (numériques ou non) et à devenir autre chose que des «consommateurs passifs d’information».


  1. Guglielminetti Bruno, «Entrevue avec Jean-Michel Lapointe» dans Mon carnet, épisode du 23 octobre 2020, en ligne à l’adresse https://moncarnet.blog/2020/10/23/mon-carnet-du-23-octobre-2020/ ↩︎

  2. Cardon Dominique, « Dans l’esprit du PageRank. Une enquête sur l’algorithme de Google », Réseaux, 2013/1 (n° 177), p. 63-95. DOI : 10.3917/res.177.0063. URL : https://www.cairn-int.info/revue-reseaux-2013-1-page-63.htm ↩︎

  3. Liste des sites web les plus populaires, Wikipédia anglophone (données 2020 d’après Alexa - Top sites). ↩︎