Éditorialisation et TEI
Conférence de Joana Casenave.
L’édition de textes critiques
Comment un texte nous est-il parvenu, comment a-t-il été édité? (ex. un texte de Platon, d’Homère) L’édition critique concerne tout type de texte.
Textes de la pratique:
- Documents administratifs
- Documents judiciaires
- etc.
Ces textes posent souvent moins de problèmes en terme de stabilité que les œuvres.
L’édition critique: une pratique de longue date (depuis la bibliothèque d’Alexandrie) mais instaurée comme pratique institutionnalisée seulement à partir au 19e siècle comme discipline, la philologie.
Méthode
La première méthode, synthèse de ses prédécesseurs, a été instaurée par Karl Lachmann (1793-1851), la méthode synthétique, allemande ou encore lachmannienne. C’est une méthode dite «des fautes communes» ou méthode reconstructionniste.
Lachmann était spécialiste de l’Ancien testament.
«Méthode des fautes communes»: établir un texte reveint à proposer un texte final. Reprérer tous les manuscrits d’un texte sur lequel on veut travailler. Un texte passait de scribe en scribe, de bibliothèque en bibliothèque. Le papyrus s’abîmant vite, on finit toujours par perdre le texte original, il faut donc retrouver toutes les copies, les mansucrits témoins. Il faut ensuite comparer tous ces manuscrits. Les scribes font toujours des fautes. Plus un texte est long, plus il y a de chances que les fautes sont nombreuses. Les fautes de copies les plus courantes sont des oublis. Il y a aussi des modifications sciemment faites par les scribes, car le sens était plus important que la lettre (un scribe peut préférer un mot à un autre, il a le droit de le changer). Si deux manuscrits proposent au même endroit une même faute de copie, ce serait un hasard trop important et trop improbable: ça veut dire, selon Lachman, que les deux textes ont un ancêtre commun qui comportait une première faute à cet endroit. On procède donc à un arbre généalogique des textes.
Les fautes sont plus faciles à trouver dans la poésie, dans les vers (nombre de pieds, problèmes de rimes).
Lachmann propose alors de reconstruire un texte; il établit le texte de manière reconstructionniste. Il reconstruit le texte original à partir des variants les plus diffusés, les plus répandus.
L’école française: choix du manuscrit de base
Joseph Bédier (1864-1938) a été formé par l’école allemande. La méthode de Lachmann était assez révolutionnaire, l’objectif étant de se rapprocher le plus possible du texte original. Les Français ont enseigné la méthode allemande.
Bédier a modifié sa façon de faire: il a travaillé sur un même texte (un texte médiéval en vers), il a trouvé que l’école allemande avait un biais, celui du «texte idéal», idéalisé. On ne peut jamais être sûr du texte original puisqu’on ne l’a pas. Bédier dit: il vaut mieux choisir un manuscrit, le manuscrit de base. Il est d’accord avec Lachmann pour colliger les différentes versions, mais il fait plutôt le choix de s’en tenir à un mansucrit de base. On va ensuite s’en tenir le plus proche possible à ce manuscrit, en ne corrigeant que ce qui serait incompréhensible pour le lecteur.
Les deux méthodes sont toujours enseignées aujourd’hui.
Les Allemands aujourd’hui préfèrent toujours la méthode de Lachmann (les Italiens aussi), alors qu’aujourd’hui les Français (ainsi que les Anglais) demeurent près de l’école française.
La transmission des textes
Pour les textes modernes, 2 facteurs de coexistence de différentes versions d’un même texte:
- censure: surtout exercée par les libraires
- retouches apportées par les auteurs (ex. «texte ne varietur» de Montherlant, qui a demandé à ce que son texte soit publié tel quel dans la Pléiade, sans retouche des auteurs et sans évolutions futures)
La critique
Dans un travail d’édition, la critique intervient à plusieurs niveaux:
- établissement du texte et apparat philologique
- explications d’ordre historique, littéraire, culturel, linguistique
- identification des sources (possibilité d’appuyer la lecture contemporaine)
Différents types d’éditions
- édition critique: édition scientifique établissant, à partir de l’examen de tous les témoins existants, un texte dont les leçons sont les plus proches possible de la volonté de l’auteur»; «édition scientifique prenant en compte l’ensemble des témoins conservés».
- édition savante: «édition qui expose de façon détaillée les critères d’établissement du texte et permet au lecteur d’en vérifier le bien-fondé».
- édition diplomatique: «édition imitative qui reproduit très fidèlement le texte d’un témoin, dans sa présentation matérielle comme dans sa teneur».
- édition synoptique: «édition qui présente en regard plusieurs états du texte ou de sa genèse».
- édition variorum: «édition qui vise à établir l’histoire complète du texte en présentant dans l’appart l’intégralité des variantes, y compris celle des éditions précédentes».
- édition génétique: «édition de tout ou partie de la genèse d’un texte».
cf. Frédéric Duval, Les mots de l’édition de textes, Paris, École nationale des chartes, 2015.
Éditions numériques: panoramas des outils numériques
Il n’y a pas encore de normes et de standards pour les outils numériques, il y a plusieurs possibilités, contrairement à la manière de faire traditionnelle (très uniforme).
Les étapes du travail éditorial
Selon Christine Nougaret (édition des testaments de poilus), les principales étapes du travail éditorial sont:
- la constitution du corpus: elle consiste à déterminer quels textes seront édités
- la transcription: elle consiste à recopier très exactement le texte que l’on souhaite éditer
- la correction: elle consiste à réviser le texte pour rectifier ce qui est fautif ou déficient, sans modifier toutefois le sens du texte la mise en forme: elle s’appuie sur l’identification de la structure logique du texte (entête, paragraphe, liste, signature, post-scriptum) ainsi que sur sa présentation matérielle initiale (changement de ligne, soulignement, traits horizontaux, espaces)
- l’annotation: elle consiste à fournir des notes explicatives sur le texte pour faciliter sa compréhension. On distingue habituellement les notes portant sur la qualité du texte (notes d’apparat critique), et les notes historiques qui apportent des précisions sur les événements, lieux ou personnes cités.
- l’indexation: elle consiste à dresser la liste alphabétique des noms propres cités dans les documents, suivis des références pour les localiser.
https://testaments-de-poilus.huma-num.fr/
Qu’est-ce qu’on peut apporter de plus pour pouvoir améliorer la visibilité et la compréhension du texte?
Ajouter l’image numérique du manuscrit original.
Accéder au texte de différentes manières. Donner accès au balisage du texte numérique pour arriver à une compréhension commune et à une certaine normalisation de l’édition de texte numériques.
Exemple: Le Petit Thalamus de Montpellier Plusieurs onglets côte-à-côte (image numérisée, texte balisé, commentaire historique).
On peut aussi proposer des manières plus immédiates pour le lecteur de comprendre le contenu du texte (ex. visualisation des personnages, du contenu du texte).
Autre méthode: diversifier le paratexte, contenant des informations autour du texte établi.
Visualisation des données par type de personne citée. Ex. visualisation géographique sous forme de carte interactive permettant de se promener sur les aires géographiques qui correspondent aux lieux bien particuliers cités dans le récit.
Autre visualisation: une visualisation chronologique Exemple: William Godwin’s diary
On peut circuler via le calendrier, mais aussi filtrer en fonction des types d’événements (repas, lectures, etc.).
Outils de comparaison: on propose au lecteur d’accéder au texte final établi, mais aussi aux transcriptions des manuscrits: on va au-delà des transcriptions, on propose au lecteur de mettre en place un comparatif et de lui laisser choisir la version matrice.
La comparaison peut se faire sur des textes, mais aussi sur d’autres supports comme des images.
L’un des avantages du numérique est qu’il permet de montrer un travail en cours sans qu’il ne soit encore terminé, en présentant les différentes étapes.
Les éditions numériques proposent des formulaires pour que les lecteurs puissent apporter des remarques, proposer des corrections aux éditeurs. On tient ainsi en compte le public, le lectorat, de manière beaucoup plus prégnante.
Les moteurs de recherche adaptés aux contenus sont beaucoup plus détaillés et indexés, permettent un parcours paramétrable par le lecteur. Ce sont des super moteurs de recherche, des browsers ou navigateurs.
L’édition critique numérique et XML/TEI
La première étape en est une de l’encodage du texte en langage XML. Le texte pourra alors servir de texte matrice.
Le XML est un «méta-langage», c’est une grande famille de langages qui permettent d’encoder différents types de contenus (textes, formules mathématiques, partitions musicales). Il y a généralement deux niveaux, un niveau structurel et un niveau sémantique.
Exemple de balisage structurel XML TEI: