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BROUILLON

Humanités numériques et modélisation scientifique?

Conférence de Jean-Guy Meunier.

Objectifs de la présentation

Il s’agira aussi de prendre des distances vis-à-vis du discours marketing.

Max Tegmark

Max Tegmark, cosmologue et physicien, prévoit que l’IA investira massivement toutes les sphères de la société.

Exemple des artefacts (gymanste humain vs automate de bois qui fait des pirouettes).

Comment approcher informatiquement ces artefacts?

Comment approcher ces artefacts dans leur contenu signifiant?

Question pour les chercheurs: comment l’intelligence artificielle sera-t-elle capable d’approcher ces contenus signifitants?

La question de la signification est importante pour l’intelligence mais aussi tous les autres domaines qui utiliseront l’informatique.

Le défi est la saisie de la signification du sens (grasping of the meaning).

Comment les artefacts peuvent-ils manipuler du sens?

L’omni-influence de l’informatique

Toutes les disciplines sont pénétrées par l’informatique.

L’informatique se heurte à des contradictions fondattrices.

Résistance:

Comment peut-on voir autrement la relation des sciences humaines avec l’informatique? (et plus largement des humanités)

Manière dont elle se pose dans le cadre des humanités numériques.

Première vision: celle des informaticiens. Approcher les artefacts à partir d’outils informatiques (Internet, numérisations, algorithmes, intelligence artificielle). L’informaticien est le maître d’œuvre de l’entreprise.

Dans le projet de numérisation Google Books, l’entreprise vise à numériser les ouvrages, mais la question de la signification est «radicalement absente».

Deuxième vision: humanités numériques. L’informaticien n’est que le fournisseur d’outils au service du sémioticien. Herméneutique étendue. L’insertion de l’informatique n’est pas neutre, l’interprétation

Comment penser la relation entre les humanités et l’informatique, de quelle nature est cette relation? Peut-on produire des modes de connaissance scientifique?

Approche épistémologique

Exemples classiques: les sciencers naturelles «dures».

Un type de connaissance du monde, données vérifiables empiriquement.

Problème: le formalisme est très fort voire réducteur. Cette méthode est inadéquate pour les phénomènes complexes. Limite de la vision syntaxique et sémantique.

En réaction à cette approche, une vision plus pragmatique du rôle d’une théorie en science: une entreprise cognitive complexe, une action épistémique multifacette. Nouveaux modèles de médiation complexes ayant un potentiel explicatif qui incorporent les modélisations.

Nous ne raisonnons que par des modèles.

(Paul Valéry)

Les modèles présentent des points de vue différents sur des modèles. Conceptuels, formels, computationnels: mais tous interreliés.

Le «numérique» repose sur la modélisation.

On ne peut pas utiliser des modèles simples pour décrire des phénomènes complexes. Importance pour les humanités numériques, il s’agit justement d’embrasser et de rendre compte de la complexité.

La modélisation de certains phénomènes était historiquement limité par des équations résolvables par des êtres humains, aujourd’hui cet obstacle est quasi absent grâce à la mécanique électronique des ordinateurs.

Décrire conceptuellement ce qui est perçu (mais qui n’est pas donné comme tel dans le monde).

Triangle perçu de Kaznina

Une fois que le modèle conceptuel est élaboré, on peut passer au modèle algorithmique.

Dans un jeu comme Angry Birds où les lois balistiques sont simulées par des modélisations algorithmiques, les vraies lois de la chimie (pour faire pousser le gazon) ou de la physique (qui explique pourquoi les œufs se cassent) ne sont en réalité jamais impliquées mais seulement simulées par des équations mathématiques, des modèles algorithmiques.

4 modèles conceptuels

Les quatre modèles sont utilisés dans les humanités numériques.

Les HN et les modèles conceptuels

Définition générale d’un modèle conceptuel

Les modèles conceptuels dans les sciences

Les recherches sont des grands projets de construction d’un modèle qui s’élaborent souvent sur toute une vie.

Let me simply say that I begin with what we call a thought: it is a nervous influx that passes then thought my brains along my nerves in such a way that some appropriate muscles contracts themselves while others are relaxed, and I talk. An idea has found its realization into an electric energy movement and aerial vibrations. The frontiers that separates philosophy, neurology and physics crossed.

(Penfield, 1963)

Avant de travailler sur modèle, il faut comprendre le modèle conceptuel. Ex. Ianis Xenakis (sa partition n’est pas celle de Bach, il faut comprendre les codes et les modèles sous-jacents).

Le modèle formel

Le formalisme se présente en effet comme un système de symboles soumis à dse règles de manipulation.

(J. Ladrière, Les limitations internes des formalismes, 1957)

Exemple: la grammaire générative. Certaines grammaires étaient traduisibles en code informatique (d’où les langages de programmation).

Un modèle formel est une combinatoire de modèles formels, il n’a rien à voir avec les nombres (n’est pas quantitatif).

Bourbaki: les mathématiques ne sont pas un reflet du réel, mais plutôt un «filet» lancé sur le réel, qu’on projette sur lui, qui ne va retenir du réel que certains éléments reliés aux symboles utilisés.

Les symboles dans une équation n’ont rien à voir avec la représentation (couleur du ciel, masse d’une boule, etc.).

La modélisation formelle est une projection de symboles sur un ensemble.

Tout le réel qui entoure ce qui est étudié est oublié. C’est un choix particulier qui est en jeu.

Multiplicité des modèles formels en HN

Souvent de nature logique (logico grammatical), ou de type algébrique, et quelquefois (mais plus rarement) de nature graphique.

Duhaime: «si on donne une formule à un physicien, on ne lui apprend rien.»

Modélisation formelle de l’analyse en HN

Transformation d’une matrice en vecteurs: notation commode de zéros 0 et de uns 1 dans un tableau (matrice). Une telle matrice n’est pas quantitative (il n’y a que des 0 et des 1, signalant absence ou présence).

Ces matrices peuvent être également représentées par des vecteurs dans un plan cartésien.

Vecteurs dans un plan cartésien, dont les points sont issus d’un nuage de points.

Graphe: points qui partagent des propriétés similaires.

Appliqués sur un texte, les graphes montrent les similitudes entre des documents (contenus, expressions qui se retrouvent dans différents textes).

Les graphes ne sont rien d’autre que des vecteurs représentés graphiquement.

Darwin a généralement évité d’utiliser le mot «évolution» (ceci est appuyé par des études sur les textes). Il refusait d’utiliser le mot «évolution» car c’était lié à l’embryologie (un œuf pour évoluer a besoin d’un générateur, ce n’était pas le propos de Darwin dans sa théorie).

Les sous-thèmes du terme conceptuel de Mind chez Peirce

Nuages de mots. Fonctionne par associations d’idées.

Conclusion sur les modèles formels

Les modèles formels sont nécessaires, mais ne sont pas suffisants.

Modèle computationnel

C’est un travail intellectuel très différent.

Les algorithmes sont soumis à des contraintes différentes des modèles conceptuels.

Une fonction mathématique peut être simple, il faut trouver l’algorithme (celui-ci n’est pas donné et n’est probablement pas aussi simple). C’est un tout autre travail intellectuel.

Thèse de Turing: une fonction mathématique peut être algorithmisée. Il faut d’abord montrer qu’une fonction est calculable (traitée par deux types de machines: machine à tisser, traitant des 0 et 1 et une machine à papier, dite macine de Turing). S’il y a une machine capable de manipuler les symboles et qu’il y a une machine physique capable de calculer, alors la fonction est computable.

La thèse de Church-Turing dit qu’une fonction calculable est donc aussi computable. On peut l’exprimer dans des algorithmes et spécifiquement des langages de programmation (ce n’est pas la même chose qu’une équation mathématique).

Des algorithmes pour les HN

Il existe de nombreux logiciels implémentant des algorithmes pour les humanités:

Ainsi que des langages de programmation appropriables comme Python ou R.

Analyseurs divers (francophones: Alceste, Spirit, Sphinxff, …).

Il y a des équations non computables (personne n’est encore arrivé à les résoudre).

La vaste maorité des fonctions dans l’univers ne sont pas calculables (en fait, il y en a une infinité), il y en a une infime partie qui nous sont utiles.

Turing a proposé une solution dans sa thèse: les «oracles». Une heuristique, une solution ad hoc permettant d’obtenir la solution à un problème très spécifique donné.

Les HN et le modèle informatique

Ça ne suffit pas d’avoir dse modèles formels, il faut une technologie physique pour les réaliser (ex. une calculatrice). Le modèle physique est autre chose que les modèles qu’il peut réaliser.

Différence entre l’algorithme et la fonction mathématique: l’algorithme permet de trouver la réponse à une équation mathématique (faire la racine cubique de 2387 – facile à représenter dans une équation, mais comment la résoudre?).

Il n’y a des algorithmes que s’il y a des fonctions mathématiques calculables.

Conclusion

Une rigueur scientifique renouvelée. La philosophie contemporaine nous invite à renouveler notre vision des méthodes scientifiques elles-mêmes: visions réductrices des démarches scientifiques, c’est plutôt des opérations cognitives complexes.

L’intégration de l’informatique fait appel à l'interprétation, laquelle trouve une place nouvelle vis-à-vis du génie logiciel, très formel et qui prend souvent beaucoup de place. L’interprétation peut être explicite ou plus discrète.

Multitude de sous-modèles pour chacun des modèles.

Les actes interprétatifs sont réducteurs par nature (on choisit ce qu’on identifie, et donc ce qu’on met de côté, ce qu’on ignore).

Le modèle computationnel est totalement dépendant des modèles formels mathématiques.

Les modèles physiques informatiques ne peuvent opérer que sur des modèles calculables et computables.

Les humanités doivent donc étudier les modèles, et parfois en partie reposer sur des «oracles».