Séance 1 : Introduction au théâtre du XVIIe siècle
Quel est le rapport au réel d’une œuvre ? Comment s’inscrit-elle dans l’époque dans laquelle elle est représentée ? Comment représente-t-elle le réel ?
Pièce Don Juan revient de la guerre @ Théâtre Prospero, 7-8-9 mars.
Contexte socio-historique
Transition difficile : 1680-1715
Passage d’une société régie par l’ordre, hiérarchie vers une société plus libre. Transition de 1680 à 1715. 3 théâtres officiels, dont la Comédie-Française, et le théâtre italien.
25 août 1680 : fondation de la Comédie-Française.
Les Italiens sont chassés en 1697 (mais reviennent 20 ans plus tard).
Époque de dirigisme culturelle : production théâtrale dirigée, orientée par le pouvoir d’État, par le Roi. Période de règne strict. L’activité théâtrale est essentiellement concentrée à Paris (Versailles). On diversifie/codifie les genres artistiques. Époque où Louis XIV est très dévot (religieux), porte peu attention au théâtre en-dehors de sa forme traditionnelle.
La Régence : assouplissement des moeurs
Aucune institution théâtrale en province, à l’extérieur de Paris. Théâtre itinérant. Le théâtre est concentré dans la capitale.
À la mort de Louis XIV, passage à une période de régence sous Philippe d’Orléans (1715-1723). Assouplissement des mœurs. Louis XV (1723-1774).
Philippe d’Orléans instaure la monnaie papier en France.
La politique de Louis XV est douce, souple ; le roi veut se faire bien aimer. (Politique sans vision à long terme ; nuira au roi vers la fin de son règne et mènera à la Révolution française. Louis XVI ne fera pas mieux.)
Le théâtre est un lieu de culture et une école de la jeunesse. Le nombre de théâtres explose : le nombre triple entre 1715-1789. Tout le XVIIIe siècle permet au théâtre de se développer plus rapidement. À la fin du XVIIIe siècle (1791), on peut ouvrir un nouveau théâtre simplement en déclarant l’acquisition d’un nouveau bâtiment.
La vie théâtrale devient active à partir de la régence de Philippe d’Orléans. Au début, le théâtre se fait sous les chapiteaux (lieu dédié au théâtre), puis s’étend vers d’autres lieux.
Le théâtre assure une politique publique. Le théâtre est l’activité culturelle la plus populaire, plus grand lieu de rassemblement pour le peuple et la bourgeoisie.
Vers l’entreprise capitaliste
Le théâtre se déplace progressivement vers une entreprise capitaliste.
Trois grands théâtres parisiens.
Apparition des loges. Ne sont pas comptées dans le «droit des pauvres», où les théâtres donnaient le quart de leur revenu à la charité (forme d’aumône donnée aux œuvres de charité, ordonnance royale en 1699). Passage de un sixième vers un quart, le quart des pauvres (1714). Appauvrissement des théâtres. Les troupes/théâtres augmentent le prix des billets, apparition des loges : mesures qui mènent à l’élitisme du public.
La Révolution française est surtout une révolution bourgeoise.
Condamnation et censure
Posture de l’Église
L’Église est très critique vis-à-vis du théâtre. Elle refuse d’en faire l’apologie.
L’Église a la mainmise sur la censure au XVIIIe siècle.
Commissaires examinateurs (1697) et censeurs royaux (1701). Censure étendue aux pièces imprimées, à leur distribution. Interdiction de faire allusion à la religion, personnalités, etc.
Le danger du théâtre est celui d’exciter les passions. Le danger réside dans la représentation (montrer des actes violents, pervers, etc.).
Laxisme hors de Paris et dans les salons.
Conditions matérielles de représentation
Les salles de théâtre
Trois théâtres royaux (Opéra, Comédie-Française, Comédie-Italienne). Une salle est occupée par une troupe permanente, gérée par l’État.
À l’Opéra, mode de fonctionnement unique : les artistes sont salariés. Frais de fonctionnement énormes. Beaucoup de dépenses pour l’État : il y a le plus d’artistes embauchés dans les spectacles à grand déploiement (décors, etc.).
Dans la Comédie-Française : système des parts, hiérarchie, spécialisation pour les «pièces ou comédies récitées.» Suppose un partage des revenus. Disposition d’un capital (bâtiment) dont un artiste peut détenir une part (un huitième de part jusqu’à deux parts). Aspect auto-géré de la compagnie relatif.
Comédie-Italienne : rappelée par le Régent en 1716, sous la direction de Luigi Riccoboni. Théâtre plus libre que la Comédie-Française (ne joue pas que du théâtre en langue originale). Comedia del arte vient de la Renaissance, plus libre. Jeu très physique. Explosion scénique. système des parts. théâtre protéiforme.
Le théâtre forain
Foire St-Germain et foire Saint-Laurent. Théâtre du Moyen Âge. Temps et lieux très délimités (début et fin des représentations récurrentes sur une base annuelle ; territoire bien marqué). Le théâtre de foire attire un public grandissant, car est gratuit.
Déclenchement de la guerre comique en 1698. On récupère cette activité théâtrale disparue.
Professionnalisation du théâtre de foire.
Méthode de contournement de la censure : détourner sens littéral. Réaction à l’interdiction de parler : théâtre pantomime. Paroles sur écriteaux récitées/chantées par le public.
Naissance de l’opéra-comique. Troupes d’opéra-comique fusionnent troupes de théâtre. Évolution de genre dramatique qui provient de problèmes judiciaires.
À partir de 1711, les forains entament la marche vers l’entreprise capitaliste en fixant un prix aux billets. Entreprises privées. Attire un large public si bien que supplante les théâtres officiels sur le plan financier. Revenus ++
Modernisation des salles
Vers 1740, Voltaire réclame une réforme architecturale du théâtre. Plusieurs salles sont d’anciennes salles de jeu de paume : forme rectangulaire, étroitesse, inconfort, mauvaise acoustique, hygiène déficiente, etc.
Émulation d’architectes : inspiration italienne. Salles semi-circulaires pour le public. Élimination des banquettes sur scène, places très prisées. Séparation, autonomisation totale de la scène et de la salle, du public. Trompe-l’œil/rideaux encadrent l’espace scénique, le décor, le spectacle.
Instauration des loges, à l’avant de la salle, face à la scène et au public. Image d’une société hiérarchisée, car les loges sont réservées aux gens de la haute société (alors qu’aujourd’hui les places les plus chères sont au parterre ; changement de mentalité).
Architecture monumentale des théâtres. Séparation des bâtiments. Vocation symbolique, dédiée aux théâtres.
Les théâtres jouent un rôle de sociabilité. Lieu où le public se donne à lui-même.
Théâtromanie. Le public embourgeoisé domine massivement. Public qui réagit beaucoup : présence de «mouches», des policiers déguisés en civils, prêts à intervenir ou à appeler des renforts. Le public pouvait souvent se manifester, lancer des projectiles aux comédiens.
Statut de l’auteur
L’auteur est un homme de lettres. Assez peu considéré par les troupes, l’auteur n’a peu ou pas de contrôle sur son œuvre. Pas de droit d’auteur. Aujourd’hui, l’auteur doit donner le droit de représentation (et touche alors une redevance).
Les auteurs sont peu/mal payés.
Les pièces ont une vie de carrière courte ; les succès sont rares.
Création de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (1777).
Le statut de comédien n’est pas meilleur (voire est pire) que celui d’auteur. Excommunié par l’Église. Pas un travail noble. Exception : Grands comédiens (théâtres officiels reconnus par l’État, le public et la critique, où on reconnaît que l’on y joue du très bon théâtre). Le revenu n’est toujours pas assuré.
Valeur professionnelle du théâtre, des comédiens. On cherche à s’éloigner de la déclamation tragique vers une voix plus naturelle.
Tragédie et comédie au XVIIIe siècle
Retour sur la querelle des Anciens et des Modernes
Respect des textes antiques. Règles de composition des pièces (règle des trois unités : unité d’action - 1 seule action principale, unité de temps 24 h, unité de lieu - 1 seul).
Genre élevé (drame, tragédie), censé élever ; genre bas (farce), théâtre de bas-étages. Genre moyen, conception floue entre les deux premiers.
Pour les Anciens, on doit imiter les auteurs de l’Antiquité. Accorder crédit et prestige aux Anciens.
Les Modernes, menés par Charles Perreault, cherchent à innover. On juge selon la raison et le goût du temps/lieu ; les Anciens sont, certes, considérés, mais dépassés.
Le pouvoir du public a orienté la création dans un ordre poétique.
La grande majorité des auteurs s’identifient aux grands auteurs (Corneille, Racine). Déclin progressif de la tragédie. On refuse la représentation tragique traditionnelle, le destin tragique. Signe avant-coureur de la Révolution.
Excès de sentimentalité. Transformation vers le mélodrame (genre déjà un peu ktisch).
La comédie, genre éclaté, souffre d’un problème de vraisemblance : personnages trop caricaturaux (un seul trait de personnalité). Ex. L’avare, personnages typés. Souci d’élévation sociale et morale. Comédie de caractère.
Grande comédie vs. petite comédie.
Entre-deux : comédiens-italiens. Comédie ni basse ni élevée ; adaptée au monde contemporain.
Marivaux : renouveau et originalité de la comédie. Pas un héritier de Molière. Recherche un monde meilleur plutôt que de rire des défauts de gens comme le fait Molière. Influence de la comédie à l’italienne : Le jeu de l’amour et du hasard (1730). L’amour est central chez Marivaux (contrairement à Molière, où l’amour, si présent, reste un thème marginal). Écrit des comédies en 1 ou 3 actes seulement. Personnages dont le nom est à consonance italienne. Travestissements, chassés-croisés, inversement des rôles.
Critiques de Marivaux : langue élevée, dialogues construits sur la recherche du bon mot (marivaudage : dialogues amoureux toujours marqués par petit mot élégant ; délicats).
Dépassement de la psychologie des caractères.
Les dialogues de Marivaux comprennent souvent des apartés (partage d’une pensée avec le public).
C’est par la reconnaissance du sentiment amoureux que les personnages apprennent qui ils sont.