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Séance 4 : Le drame romantique

La France jusqu’en 1830

Multiplicité des régimes

Période politiquement mouvementée : succession de six régimes politiques en cinquante ans. Bref retour à la monarchie (avec Louis XVIII), avant que Napoléon tente de revenir (bataille de Waterloo) et signe la fin de la possibilité pour un empereur de régner.

Création de la Monarchie de Juillet déçoit les Républicains et les Libéraux.

Le drame romantique

Présentation générale

Hérité du mouvement des Lumières.

Deux théoriciens : Stendhal (Racine et Shakespeare, 1825) et Hugo (Préface de Cromwell, 1827).

Le drame romantique naît dans un contexte littéraire ; la scène n’est pas encore équipée pour la représentation du drame romantique (on n’a pas les moyens pour changer rapidement de scène).

Pièces à caractère historique (peintes avec beaucoup de précision). Enjeux politiques, mais qui ne sont pas ancrées dans le contexte de l’époque.

Présence littéraire : personnage sur scène (le moi d’un héros) qui remet en question son existence, son avenir.

Influences étrangères : l’Allemagne et l’Angleterre

Le romantisme ne naît pas en France ; surtout influence allemande.

Germaine de Staël (1766-1817) découvre les drames historiques de Goethe et Schiller. Diffuse les idées de Schlegel (De l’Allemagne, 1814). Oppose le personnage allemand au héros français.

Shakespeare n’a pas été suffisamment apprécié à son époque. Il est d’abord connu sous les adaptations de Ducis : heurte le bon goût. Versions non édulcorées goût du public.

Othello est un scandale politique en 1822. Napoléon Bonaparte a perdu la bataille contre les Anglais ; tout symbole d’Angleterre est mal perçu. Conservatisme du public français force Stendhal à écrire sur Shakespeare et Diderot.

En 1827, le climat politique est nettement atténué, les partisans de Napoléon ont compris que celui-ci ne reviendrait pas au pouvoir. Othello est rejouée.

Shakespeare n’est pas reconnu pour être un auteur réaliste.

Modernité et liberté

Le drame romantique s’appuie sur deux idéaux :

Volonté des romantiques de représenter l’Histoire. Représentation de l’histoire : mimétisme vs liberté poétique. Les écarts que prennent certains auteurs sont justifiés (par opposition au dogme). Lorenzaccio est un bon exemple.

Les auteurs s’interrogent sur l’Histoire (dans le contexte d’une période mouvemenée sur le plan politique).

La préface de Cromwell

Victor Hugo est la plus grande figure littéraire du XIXe siècle, traverse presque le siècle.

On s’intéresse à la préface de la pièce plutôt qu’à la pièce elle-même, car elle est injouable (70 actes, 7000 vers, durée de représentation estimée à 6 heures).

Division entre âme et naturel corporel.

Le drame joue sur la division en 3 modes littéraires : lyrique/épique/dramatique.

Désir moderne de rendre compte de la double nature de l’homme.

Un sentiment commun occupe les romantiques : la mélancolie.

La complexité des personnages demande du temps de maturation (dans la pièce et dans la vie du personnage). En l’espace de 24 heures, il ne peut y avoir, pour les romantiques, autant de chamboulements (émotions, événements) dans la vie d’un personnage.

Le genre dramatique s’attaque aux unités traditionnelles de temps et de lieux.

Hugo affirme que les unités de temps et de lieux ne contribuent pas au plaisir du spectateur ; absurdité à fixer les mêmes unités à toutes les pièces.

Hugo affirme que les unités de temps et de lieux ne contribuent pas au plaisir du spectateur ; absurdité à fixer les mêmes unités à toutes les pièces.

Survivance de l’unité d’action : les intrigues secondaires doivent faire suivre l’intrigue principale. Lorenzaccio se détachera complètement de ce précepte, avec 3 intrigues parallèles.

Prose versus vers : Stendhal, à contre-courant, prône la nécessité de la prose. Hugo est en faveur du vers, mais flexible (alexandrin libre). Le vers ne doit pas enfermer la créativité de l’auteur. Du point de vue de la créativité langagière, Hugo dit que le français n’est pas fixé ; on peut inventer un nouveau langage avec la forme du vers.

Alliance du grotesque et du sublime :

Recherche de l’harmonie des contraires. Noblesse.

Diderot prône le théâtre moral, politique. Les romantiques ne voient pas le théâtre comme un moyen de divertissement.

Pour Stendhal, le drame doit être vrai, mais pas réaliste. Il ne s’agit pas de mimer la nature, mais de retravailler le réel. Miroir qui concentre, qui déforme la réalité dont il renvoie l’image. L’art et la nature sont distincts. S’il n’y a pas d’invention, il n’y a pas de poésie, pas de théâtre.

Théorie de la couleur locale : on veut donner l’impression que la pièce donne accès à ce qu’était la société d’époque, faire de son mieux pour représenter le temps de la pièce. Costumes, précision des références historiques, lieux, contexte de représentation. Détails particulièrement importants pour les romantiques.

Bilan du drame romantique

Histoire brève étalée sur 16 ans (1827-1843). Moins de 30 pièces. Se solde par l’échec d’un point de vue scénique : échec de Les Burgraves (Hugo).

Idéal de sortir des contraintes du drame classique (formes tragiques). Conserve les symptômes d’une époque révolue.

Ce que fait très bien le drame romantique, c’est de complexifier le personnage : réunir le plus grand vice et les plus grandes qualités chez un même personnage.

Lorenzaccio

L’auteur : Alfred de Musset (1810-1857)

Paradoxe de carrière théâtrale.

Très connu pour des pièces qui subissent une succession rapide des lieux, indifférence aux convenances morales.

Aujourd’hui, les représentations de Musset ne posent plus problème, car technologie suffisante. À l’époque, problèmes de représentation, car manque de moyens. Chances de représentations quasi-nulles.

Prend rapidement ses distances vis-à-vis de la théorie romantique (Contes d’Espagne et d’Italie, 1830).

Mal-être du personnage principal de Lorenzaccio.

Rapport difficile à la scène : La nuit vénitienne (1830), traumatisme du premier échec. Développe plutôt un théâtre littéraire. Publie pièces dans deux recueils : Un spectacle dans un fauteuil (1832 et 1834).

Musset est réintronisé à la fin de sa vie.

Entretient une relation trouble, tumultueuse avec George Sand, parfois violente. Liaison amoureuse courte, mais les deux poursuivent une relation littéraire. Scène historique Une conspiration de 1537 écrite par George Sand.

Musset fait une source commune de la scène de Sand : La Storia Fiorentina Di Messer Benedetto Varchi (1543, 1721).

Jeux de contexte

Contexte politique dans le récit et contexte politique au moment où Musset écrit sa pièce.

Retour de censure forte ; arrêt de la critique du pouvoir.

Une œuvre inclassable

Pose problèmes de représentation ; pièce injouable à l’époque. Il faudra plus d’un siècle avant que la pièce ne reçoive un regard nouveau. On n’aurait pas parié cher que le genre romantique survive (la pièce de Musset est celle du genre romantique qui a le mieux survécu).

Première mise en scène en 1896, mais dans une version tronquée (réécrite par Paul de Musset dans une version atténuée). Sarah Bernhardt (femme) joue Lorenzaccio à 52 ans.

Le rôle principal n’est joué par un homme pour la première fois qu’au milieu du XXe siècle.

Tensions homosexuelles dissimulées (car contexte du XXe siècle).

Plusieurs personnages (surtout secondares) sont finalement assez stéréotypés ; on ne creuse pas la profondeur psychologique.

On peut rattacher au drame romantique car héros romantique (rôle de Lorenzaccio). Personnage complexe qui porte les enjeux de la pièce. Il est impossible pour le héros de se sauver. La pièce se conclue de manière pessimiste avec un échec de la révolution, le fusillement des jeunes hommes, etc.

Inadéquation entre la faiblesse du monde et le statut du héros : l’un n’influence pas l’autre.

L’un et le multiple

Éclatement du lieu romantique, mais unité autour de Florence. La pièce crée une certaine unité autour de la ville de Florence, représentée comme lieu de centre politique, d’accomplissement. Met de l’avant l’importance de l’unité de la ville, qui est personnifiée et féminisée. Ville protéiforme : ville populaire, lieux secrets, lieux propres à l’aristocratie, etc.

On concentre 10 ans d’activité politique en 10 jours. Temps resserré et éclaté : actes de longueurs variables, qui ne sont pas organisés en fonction de l’importance des scènes (un court acte peut comporter des scènes très importantes). Pas d’organisation structurée du temps. Impression de simultanéité, que tout se passe en même temps.

Personnages perpétuellement préoccupés par l’heure, par le temps qui passe. Registres secret et officiel (jour/nuit) : complexification.

La représentation de l’action est à la fois simple et complexe : 3 intrigues parallèles, mais qui finissent par se rejoindre. L’action se ressert autour du meurtre annoncé du Duc à la fin.

À chaque intrigue correspond un rapport particulier à la politique ; rapports différents des personnages par rapport au Duc.

Lorenzo a d’abord un rapport individuel à la politique ; préfère agir seul (condition d’être extraordinaire), en espérant que d’autres le suivront après lui. Lorenzo est l’intellectuel qui renonce à pureté de l’âme. Conscience de la maîtrise de la langue, mais côté pragmatique (importance de passer à l’action). S’oppose à Philippe Strozzi qui n’agit que par pureté d’âme, ne dépasse jamais frontières de l’illicite.

Langage de Lorenzo sème le doute sur ses véritables intentions.

Philippe Strozzi est incapable de prendre les choses en main. Faiseur de mots qui réfléchit sur les possibilités d’agir, mais ne déclenche aucune action ; aucune efficacité dramatique. Prêt à rejoindre la rébellion, mais refuse car transformerait l’action politique en vengeance (contrairement à ce que voudrait Lorenzo). Son système de valeurs mène à sa chute.

Ce qui déclenche l’acte des Strozzi, c’est l’insulte faite à Louise (sans quoi les Strozzi ne seraient sans doute jamais passés à l’acte).

L’entreprise de la marquise est sans réussite. C’est l’une des seules (avec Philippe Strozzi) à croire à la nécessité de toujours dire vrai, de s’échapper du monde des masques (et c’est pourquoi son entreprise, à l’instar de celle de Philippe, échoue).

Lorenzo malgré toutes ses qualités et ses intentions, est dépourvu d’efficacité politique (incapable de déclencher action après mort d’Alexandre, le Duc). C’est le Cardinal qui arrive à mener l’entreprise ; c’est celui qui arriverait à mener en bout de compte, peu importe qui serait nommé chef.

Les intrigues finissent par se ressembler et se rejoindre, car utilisent les mêmes personnages secondaires. Les scènes de foule permettent de discuter des personnages. Rassemblement des personnages/intrigues autour d’une même unité, un même thème : l’échec. Unité thématique.

Rapport à la question publique et à la question politique. Alexandre n’agit pas comme Duc, ne donne pas la noblesse nécessaire à ce pouvoir. Inspire les personnages à se révolter contre le pouvoir. Critique négative du pouvoir.

L’opposition politique est définie en fonction de la hiérarchie sociale. La liste des personnages est organisée en fonction de la cohérence politique et familiale. Lien très fort entre la question politique et la question familiale.

Importance relative des personnages féminins, reçoivent un traitement psychologique superficiel (moins en profondeur que dans Le Mariage de Figaro).

La qualité première de Lorenzo est sa capacité à changer, à prendre plusieurs formes lorsque la situation le demande. Il accepte de toujours prendre la forme de la situation sans jamais se rebeller.

Personnage insaisissable, tendance au dédoublement. Être de la fuite et des masques. S’évanouit à la vue d’une épée, mais personnage masqué (intention réelles masquées).