(dernière modification : )

Début du XXe siècle (1) : un monde en ruines

Consignes pour la première critique

Ne pas prendre de notes pendant le spectacle (ou alors très peu, et discrètement).

Sortir les idées rapidement après le spectacle (tout de suite après, ou dans les 24 heures suivantes).

Intellectualiser des idées, des émotions. Il n’y a pas de critique objective : on peut réagir.

Il faut faire parler l’œuvre. Il y a plusieurs interprétations possibles pour une œuvre, qu’on peut prolonger ou utiliser. Prolonger un choc émotionnel. Il faut cependant dépasser le choc émotionnel (n’importe qui est capable d’avoir une opinion/impression d’une œuvre) pour en faire une critique.

La critique est un exercice de concision. Tout le monde travaille avec le même espace disponible pour faire une dissertation cohérente.

Il faut penser l’exercice comme un compte-rendu : évaluation et interprétation. Dépasser, à la fin de la critique, le simple «aimé/pas aimé». Éviter formes creuses applicables à n’importe quel spectacle ; viser le spectacle.

On ne peut pas parler de tous les éléments qui forment le spectacle (mise en scène, décor, jeu des comédiens, etc.) : il faut choisir un certain nombre d’éléments qui appuient son interprétation. Choisir un ou deux exemples qui appuient la critique.

La critique doit être compréhensible : on devrait pouvoir être en mesure de sentir l’opinion derrière la critique à la fin.

L’introduction peut servir à présenter l’auteur et sa démarche, à mettre en lumière la réécriture du personnage de Don Juan, etc. L’introduction devrait idéalement servir à amorcer la critique.

La conclusion doit être le lieu du jugement final.

Évaluation :

Von Horváth : un nouvel humanisme ?

Ödön von Horváth (1902-1938)

Europe centrale, identités plurielle. Vit dans l’empire d’Autriche-Hongrie, fondé sur la coexistance, le mélange d’identités nationales diverses. Questionné sur son pays d’origine, von Horváth répond par une énumération d’identités multiples, ne s’associant pas à une nation/culture en particulier.

Von Horváth revendique toute sa vie son identité multiple pour s’opposer à un nationalisme pur (voire à toute forme de nationalisme). Il est le produit de plusieurs identités différentes (hétérogènes) qui ne se mélangent pas tout à fait, mais coexistent.

Von Horváth est a priori un auteur allemand, car écrit dans la langue allemande (comme Kafka, qui n’avait pas non plus la nationalité allemande). Associé à la culture allemande. Fait face à une levée de boucliers par des gens qui demandent, comment un auteur qui n’est pas né en Allemagne peut-il se revendiquer de la culture allemande ?

Von Horváth est considéré par le régime nazi comme un «artiste dégénéré» pour sa critique du régime allemand. Passe la fin de sa vie en exile, en Autriche et en France.

Pour von Horváth, le but du théâtre est de «démasquer la conscience pour se confronter aux pulsions asociales et perturber les sentiments de meurtre» (Mode d’emploi, 1932).

Von Horváth a eu trois principales périodes d’écriture (romans et théâtre) : premières expérimentations, drames populaires (comédies satiriques), théâtre de la parabole (métaphysique, s’interroge sur l’avenir sombre de l’humanité dans un monde en train de foutre le camp).

Dévoile le pulsionnel des personnages. Don Juan revient de la guerre en voulant être une homme différent, mais ce qui fait partie de lui (ses pulsions, son instinct) reste et l’empêche de se détacher de celui qu’il était dans le passé.

Le théâtre de von Horváth fonctionne par répétition et variation : on réexploite les mêmes thèmes, les mêmes situations.

La langue des personnages est faite de collages, d’expressions populaires, de phrases toutes faites, de propos qui prennent l’allure de vérité et qui témoignent de l’impression de vérité en regard des idées reçues. Phrases qui prennent l’allure de formules appuient le discours. Nazisme dans le cas de Don Juan. Ces formules mettent en valeur les idées reçues, l’incapacité de se sortir du discours.

Von Horváth subit l’héritage de l’expressionnisme, courant surtout influent en peinture, mais aussi au cinéma et en littérature. Surtout en Allemagne. L’expressionnisme désire exprimer la faillite des valeurs de l’humanité. Idée commune. L’expressionnisme marque la révolte de la jeunesse face à un société déshumanisée. Choc face aux conflits meurtriers entre les nations (en l’occurrence Première Guerre mondiale, qui marque pour la première fois la mécanisation de la guerre, la production en chaîne de l’horreur avec des machines et des armes chimiques avec une violence sans précédent).

Le héros expressionniste est à la recherche de l’homme nouveau. Tend vers le meilleur (un peu le contraire du personnage de Don Juan cependant, qui arrive avec une bonne volonté mais se transforme négativement). Parcours initiatique, construction par séquences (tableaux/stations). Il faut essayer de retrouver les valeurs de l’humanité.

Exemples d’expressionnisme en peinture et au cinéma :

L’Allemagne et la Première Guerre mondiale

Après la guerre, L’Allemagne est vaincue et humiliée sur la scène politique internationale par le Traité de Versailles (1919). Armée tronquée, territoire occupé par l’ennemi. Doit verser sommes en réparation car est tenue pour première responsable du déclenchement de la guerre. Sentiment de soumission et de menace de l’intérieur, par contraste avec les années folles en Amérique.

Crise économique très forte en Allemagne, la crise de l’inflation (1922-1923) : explosion de l’économie, dévaluation de la monnaie. Thème repris dans Don Juan, où la première scène débute avec «La guerre est finie et nous avons perdu la guerre».

Stratégie de la part de Von Horváth qui permet de revenir sur la période qui a donné naissance à la montée d’Hitler (pièce de 1937 sur une sujet de 1918).

Emploi du «nous» identifié à toute une classe d’âge, génération adolescente, qui voit les contrecoups négatifs de la guerre et qui s’oppose au régime politique.

Von Horváth est critiqué pour son écriture froide et laconique (renonce au sentimentalisme).

Aucun monologue dans la pièce Don Juan revient de la guerre. Le monologue permet traditionnellement de transmettre l’émotion du personnage.

Utilisation des tirets dans les dialogues, qui marquent des silences et des hésitations. Flou qui relève plus de la suggestion que de la signification bien tranchée.

Le mythe de Don Juan

Le mythe de Don Juan est l’un des mythes les plus importants de la littérature (on tenait une exposition recensant 1200 versions du mythe de Don Juan seulement dans la littérature européenne).

Von Horváth veut actualiser un «type» de personnage. Cela permet à von Horváth de travailler dans la longue durée et de varier un même type, une même idée.

Don Juan se construit dans une forme qui s’apparente au «drame à station». Forme historique du Moyen Âge d’abord religieuse, servant à illustrer la passion du Christ et à présenter les personnages qui ont une valeur exemplaire. La station religieuse est le lieu où l’on s’arrête pour prier, pour faire une procession religieuse. La pièce est une succession de scènes qui relatent de l’évolution de Don Juan.

Don Juan retrouve des bribes de l’idéal perdu («qu’il ascende par petits morceaux») dans plusieurs femmes, de l’amour qu’il a jadis refusé.

Don Juan essaie de retrouver son humanité perdue, voire de se construire une humanité qui n’a jamais été en lui. Héroïsation du nazisme : la propagande de l’époque circule sous la forme du soldat mort à la guerre pour la cause de son pays. Von Horváth s’oppose à cette conception via une stratégie d’humanisation.

Le Don Juan dans la pièce de von Horváth est un mythe démonté, un mythe qu’il cherche à défaire.

Incapacité de Don Juan à entretenir une relation à long terme. Types de personnes : types de femmes qui rencontrent un certain type d’homme.

Don Juan est plus que jamais associé à la mort : on ne cesse de l’y rattacher (soldat qui revient du front, en proie à la grippe espagnole, etc.). Don Juan porte même des airs de fantôme, hanté par le passé («il n’y a plus rien de vivant en toi», acte 3). Les personnages sont préoccupés par leurs règlements de compte. L’opéra est réduit à un objet de consommation. Toutes les conceptions de Don Juan sont réduites à des considérations triviales.

Idée de l’époque : «Il y a moins de 35 sortes de femmes». Cependant, le théâtre de von Horváth vise l’émancipation des femmes. Renverser ce que représente fondamentalement Don Juan, à savoir la masculinité, le symbole d’une société patriarcale. Les femmes d’après-guerre prennent une place inédite dans la société. Renversement des mentalités, désir de représenter les femmes de la nouvelle Allemagne.

Transformation des relations hommes-femmes. Normalisation (égalisation) des rapports, ce que les femmes ne pouvaient revendiquer auparavant.

Forme éclatée, plus près du cinéma (changements de scènes/lieux ; tableaux). Chaque scène a un nom et un lieu. Cependant, chaque n’est pas représentée par son titre dans les dialogues.