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Les anthropologies diffusionnistes

Caractéristiques générales du diffusionnisme

Précurseur du diffusionnisme : Adolf Bastian (1826-1905)

Bastian théorise l’unité psychique de l’humanité.

Selon lui, les traits culturels, les traditions populaires, les mythes et les croyances des différents peuples répondent, chez chacun d’eux, à des lois de l’évolution culturelle, et sont comparables. Les différences de forme observées ne résultent en fait que de l’environnement.

Les cultures se forment sur des « idées élémentaires » variant selon l’organisation économique et l’environnement géographique (génie allemand), ces idées étant diffusées lors des échanges commerciaux et démographiques. Il théorise les provinces géographiques (aires culturelles) comme étant des régions présentant une certaine homogénéité culturelle.

Le diffusionnisme allemand

Friedrich Ratzel (1844-1904)

Photo de Friedrich Ratzel

Ratzel étudie en zoologie, puis devient correspondant en Amérique du Nord pour un journal de Cologne.

Il s’intéresse surtout aux migrations humaines, aux emprunts culturels et aux relations entre l’homme et les multiples facteurs de son environnement physique.

Ratzel critique la pensée mécaniste du darwinisme social, préférant parler de déterminisme. Sa pensée se laisse alors davantage guider par la philosophie que par la biologie.

Deux faits semblables auraient la même origine.

Leo Frobenius (1873-1938)

Photo de Leo Frobenius

Frobenius est un élève de Ratzel.

Il dirige 12 expéditions en Afrique noire entre 1904 et 1935. Il mène de nombreuses fouilles archéologiques en Europe et en Afrique.

Il constate comme Ratzel des similitudes culturelles entre l’Océanie et l’Afrique.

Il forge le concept d’aire culturelle.

Contrairement à Ratzel pour qui ce sont des traits culturels qui se diffusent, Frobenius pense que ce sont des aires culturelles entières qui se déplacent.

Le débat nature/culture est au centre de ses publications (Probleme der Kultur, 1899-1901; Paideuma: umrisse einer Kultur- und Seelenlehre, 1921).

L’école de Vienne

Fritz Graebner (1877-1943)

Photo de Fritz Graebner

Graebner met de l’avant les affinités qui existent entre les cultures humaines et prône une explication historique de la chose : le diffusionnisme.

Il ne voit pas sa méthode comme un dogme (il est ouvert à d’autres méthodes complémentaires).

Apport théorique : la diffusion n’est pas automatique (les sociétés rencontrées n’incorporent souvent que des éléments spécifiques).

Le père Wilhelm Schmidt (1868-1954)

Photo de Wilhelm Schmidt

Schmidt est fortement influencé par Graebner.

Il critique durement la théorie de Tylor (alors la théorie acceptée pour expliquer le fait religieux en anthropologie) sur l’animisme qui est pour lui inacceptable : il conteste la théorie allant de l’animisme au monothéisme, puis à la science.

Le témoignage des peuples les plus archaïques considère toujours que c’est Dieu lui-même qui est à la base de leur religion.

Dieu a créé les hommes, comme le disent les sociétés étudiées, et non le contraire.

L’hyper-diffusionnisme anglais

Grafton Elliot Smith

Photo de Grafton Elliot Smith

Smith critique les thèses évolutionnistes qui sont encore communément utilisées pour expliquer les origines des sociétés contemporaines.

Il argumente par le fait que les hommes ne sont pas inventifs en citant les uncultured people nus et infantiles (les « bons sauvages ») pour appuyer son point qu’il généralise par la suite à l’ensemble des êtres humains.

Smith propose une nouvelle explication causale aux transformations des sociétés humaines :

Smith propose une nouvelle théorie expliquant le développement des sociétés humaines.

L’homme primitif vit dans des conditions précaires et a beaucoup en commun matériellement avec les animaux : pas d’habits, pas de maison (mais vivant de manière pacifique). Il n’a presque pas de culture : pas de rites funéraires ou d’alliances. Le début de la culture commence avec l’agriculture.

Smith s’appuie sur les données de son époque, et date le début de la culture humaine à 4000 ans av. J.-C., dans la vallée du Nil, qui a alors des champs naturels d’orge.

Les habitants se sédentarisent et se mettent à stocker de la nourriture : ils prennent alors l’habitude de conceptualiser le temps, ce qui mène à l’invention de l’architecture de la poterie et du sacré.

La population gagne en importance, et les récoltes d’orge naturelle ne suffisent plus à nourrir l’ensemble du groupe, d’où la nécessité de l’invention de l’agriculture par imitation des phénomènes naturels : semence et irrigation, ainsi que division du temps.

La théorie de Smith se divise donc en deux temps de causalité :

Processus de diffusion pour les Anglais marquants de l’époque

La recherche de cuivre dont les Égyptiens avaient besoin pour construire les tombeaux de leurs rois; elle diffuse leurs inventions.

Cependant, l’adoption d’inventions étrangères n’est pas facile et il faut une longue période de contact pour que la diffusion ait lieu.

Parcours du diffusionnisme : la région entourant l’Égypte, puis l’Est et le Nord (n’atteint l’Europe que vers 1000 ans av. J.-C.). Le diffusionnisme n’atteint les Amériques qu’au premier millénaire de notre ère (pyramides incas).

L’école américaine

Franz Boas (1858-1942)

Photo de Franz Boas

Aucun événement ne se passe dans la vie d’un peuple sans produire des effets sur les générations postérieures.

Boas considère chaque culture comme composée d’un certain nombre de traits culturels relativement indépendants, dont certains peuvent passer danse d’autres cultures.

Boas refuse de prendre un trait culturel isolé, mais considère toujours un ensemble de traits culturels liés (principe de complexité).

Il propose le principe de l’aire culturelle continue, en rejetant les constructions pseudo-historiques étendues.

Autres apports de Boas à la discipline :

Comprendre le « génie propre » d’une société repose en dernière analyse sur des expériences individuelles. L’enquête ethnographique cherche à comprendre la vie d’individus côtoyés telle que la vie sociale les modèle. Inversement, la société étudiée se modifie également de par l’action des individus qui la compose.

Edward Sapir (1884-1939)

Photo de Edward Sapir

Sapir propose le concept de sériation culturelle : les éléments les plus simples d’une culture sont les plus anciens.

Il propose aussi le concept d’aire chronologique : l’élément qui a la plus grande aire de distribution est plus ancien que celui moindre distribution.

L’hypothèse Sapir-Whorf (HSW) renvoie à l’idée que le langage est un classificateur et un organisateur de l’expérience sensible.

Au carrefour de l’anthropologie culturelle, de la linguistique et de la psychologie, il s’intéresse aux articulations reliant l’inconscient, la personnalité, la langue et la culture qui est conceptualisée comme un « système formel immergé » imposant à l’insu des individus des catégories conceptuelles.

Clark Wissler (1870-1947)

Photo de Clark Wissler

Wissler systématise le diffusionnisme modéré (à petite échelle : l’école nord-américaine) en donnant au concept d’aire culturelle (très limitée) un sens très différent de Frobenius.

Wissler utilise la métaphore d’un galet jeté dans l’eau et de ses ondulations : plus on s’éloigne du centre, plus la netteté des traits s’efface et plus elle se confond avec des traits d’aires culturelles voisines.

La question qui survient alors est la méthode à adopter pour définir où l’intervention a eu lieu, puis dans quelle direction s’est fait la diffusion (quelle société a été touchée et dans quel ordre); voir son texte.

Chaque culture est composée d’une imbrication de plusieurs traits culturels : elle forme un tout cohérent dans un temps et un espace donné.

Alfred Louis Kroeber (1876-1960)

Photo de Kroeber

Kroeber tient la culture comme un phénomène universel, chaque culture relevant d’un pattern particulier sur une aire culturelle donnée.

Les relations entre cultures sont donc des relations de patterns.

Kroeber divise d’abord l’Amérique du Nord en six grandes aires.

Schéma aires Amérique du Nord

Concepts élaborés par Kroeber (avant tout à vocation méthodologique) :

Le superorganisme est très vite critiqué par Sapir, et Kroeber lui-même insiste alors sur le fait que c’est une hypothèse de travail.

Critique de points spécifiques de l’évolutionnisme : exemple de l’animisme

Pour les évolutionnistes, l’animisme est une invention qui a été faite dans l’ensemble des sociétés.

Réponse de Smith : les premiers hommes n’ont guère plus de sentiments religieux que les animaux. La religion est l’invention des « hommes civilisés »; elle s’est ensuite diffusée à l’ensemble de l’humanité. La diffusion est la seule explication logique de la présence de l’animisme dans l’ensemble des sociétés.

Apports et manques du diffusionnisme

Apports

Travers

Le diffusionnisme comme dynamique de la globalisation

Le sociologue culturaliste et anthropologue Arjun Appadurai propose les concepts suivants :