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Ionesco, La leçon (suite)

Le professeur est placé en figure d’autorité, notamment parce qu’il étale son savoir en parlant beaucoup, en accumulant les répliques. Le professeur, tempéré au début, est emporté par l’affect à la fin du texte.

L’élève est une fille obéissante, dont le texte critique la docilité. Elle répète les expressions de déférence (« Oui, monsieur. »).

L’importance du théâtre

Contrairement à un récit, la narration ne s’interpose pas entre le lecteur-spectateur et les personnages.

La forme dialectique du théâtre reprend, de manière parodique, les dialogues de Socrate, la forme dialectique (et sa maïeutique – le dialogue comme parcours pour accoucher des idées). Le texte aboutit à la mort de l’élève, sorte de contrepied de la maïeutique (d’où le caractère parodique).

Le rôle du langage

Le couteau n’est (peut-être) pas là; c’est le mot qui fait vivre la chose.

Ionesco critique énormément l’usage du langage à des fins de propagande, dans les régimes totalitaires, mais également démocratiques.

Le langage permet de faire exister des choses qui n’existent pas – c’est ce que le professeur fait.

En littérature, on a l’impression que le langage est bien; il y a un présupposé positif vis-à-vis du langage, comme vecteur d’explication. Ionesco critique plutôt le langage en mettant en scène des figures de rhétorique. Sa critique n’est pas que pédagogique, mais politique. Le professeur est une manifestation du pouvoir politique (et non seulement un tyran dans le domaine de l’enseignement).

Philosophie

Deux formes philosophiques sont présentes dans le texte :

Dans la dialectique de Hegel, les deux rôles – celui du maître et celui de l’esclave – sont nécessaires. Dans la pièce, un troisième personnage casse cette dynamique, la bonne, qui joue le rôle de tiers-parti – tantôt modératrice, tantôt complice.

L’analphabète d’Agota Kristof

Il n’est pas coutume pour Agota Kristof de se raconter elle-même.

Le texte est sous-titré comme un « récit autobiographique ».

Le pacte autobiographique (cf. Philippe Lejeune) suppose la fusion entre l’auteur et le narrateur, et où le lecteur croira à la véracité du propos qu’il lit.

[le pacte autobiographique] consiste pour l’auteur à se montrer tel qu’il est, dans « toute la vérité de la nature de leur récit autobiographique », quitte à se ridiculiser ou à montrer ses défauts.

Le roman d’apprentissage

Il y a plusieurs façons de le nommer :

L’analphabète est un récit d’apprentissage.

Quel est le but de du roman d’apprentissage? Il vise d’abord à mettre en scène le/la protagoniste et à le montrer en exemple, comme modèle.

C’est un genre qui prolifère beaucoup au XVIIIe siècle, au siècle des Lumières. On croit en la valeur éducative des vies, qu’elles sont dignes d’enseignement (Dieu n’est pas la seule source d’enseignements).

L’analphabète est le récit d’une auteure qui apprend à écrire en français.

Analyse des chapitres

Le texte est surtout écrit au présent. Le fait que le texte ne soit pas écrit au passé traduit un effet de lutte constante; l’auteure n’a pas encore dépassé les événements, elle vit encore ceux-ci, ils ne sont pas terminés; ils n’appartiennent pas, en quelque sorte, au passé – du moins pas tout à fait.

L’écriture se fait par des phrases courtes.

Premier chapitre : la lecture

Premier enseignement pour écrire en français : lire.

Agota Kristof utilise la maladie comme métaphore de son destin de lectrice-écrivaine; lire est comme une activité – une condition – accidentelle.

La lecture est en compétition avec d’autres activités.

Deuxième chapitre : la famille

Son premier lecteur – ou première victime – est son petit frère.

Écrire, c’est aussi tester sur les autres si l’histoire a un effet.

La cruauté chez les enfants est un moteur (c’est le cas dans Le Grand cahier).

Troisième chapitre : les années à l’internat

L’auteure souffre beaucoup à l’internat. L’écriture (de poèmes, pour se consoler, et d’un journal, pour se confier) comble un besoin affectif lorsqu’elle est loin de sa famille.

Qu’est-ce qui amène l’auteur à écrire? La pauvreté. Autre leçon : pour devenir écrivaine francophone, il faut être pauvre (c’est une caricature, mais quand même).

Quatrième chapitre : les autres langues

Les autres langues sont considérées comme des « langues ennemies », comme symboles de l’occupation militaire ou de domination politique par exemple. Finalement, l’auteure découvre qu’il existe d’autres langues.

Apprendre une langue, c’est comme devenir analphabète dans sa propre langue, sous le signe de l’invasion de sa propre langue. L’ignorance est vue comme un facteur de résistance – résister à l’apprentissage d’une langue étrangère (ennemie) est comme résister à l’envahisseur.

Apprendre une autre lange, pour autant qu’elle représente un acquis, une richesse, nous fait sentir que nous perdons notre langue maternelle.

Sixième chapitre : la mort de Staline

L’auteure apprend l’allemand rapidement pour demander de la nourriture pour son enfant.

Kristof ne devient pas écrivaine francophone par vocation, mais « par hasard » (elle aurait pu écrire dans n’importe quelle autre langue) :

Ce qui dont je suis sûr, c’est que j’aurais écrit, n’importe où, dans n’importe quelle langue.

(p. 40)

Neuvième chapitre

L’usine semble être un endroit idéal pour écrire (ou commencer à écrire) :

Pour écrire des poèmes, l’usine est très bien. Le travail est monotone, on peut penser à autre chose, et les machines ont un rythme régulier qui scande les vers. Dans mon tiroir, j’ai une feuille de papier et un crayon. Quand le poème prend forme, je note. Le soir, je mets tout cela au propre dans un cahier.

(p. 42)

Le premier livre est un « cahier » (écho au Grand cahier).

Dixième chapitre

Onzième chapitre : l’analphabète

Le mot « analphabète » fonctionne dans deux sens :

L’apprentissage (à écrire, à devenir maman) est très violent : il commence par un travail ouvrier difficile, par un exil, puis par un effet de « dépossession » des langues.

Quel est le rapport entre lire et écrire dans le texte? Quand l’auteure était petite, elle lisait tout le temps. L’écriture est venue comme un devoir; comme ce qu’il fallait faire.

Lorsque l’auteure apprend le français, il y a une fusion entre la lecture et l’écriture.

Écrire et lire sont choses très liées – chose normale pour les écrivains : lire pour écrire, écrire pour lire, il y a une interrelation entre les deux.

Quelle comparaison avec les petites filles modèles?

C’est premièrement l’éducation des filles. Chez la Comtesse de Ségur, le but de l’éducation était de devenir mère et d’apprendre à être polie, bien élevée.

Chez Kristof, l’apprentissage est d’abord une affaire de survie : apprendre une langue pour nourrir son enfant, et gagner sa vie.

On pourrait aussi argumenter que les deux textes supposent une « mobilité de la classe sociale » (même si l’idée de classe sociale est anachronique à l’époque de la Comtesse de Ségur) : on apprend pour devenir quelqu’un d’autre, pour améliorer sa condition.

Autre point commun : la place de l’étranger. Chez la Comtesse de Ségur, l’étranger est perçu négativement, presque comme une menace; on se met en position de supériorité vis-à-vis de lui, en méfiance.

Chez Kristof, la relation à l’étranger relève plutôt d’un rapport dialectique : Kristof est prête à entrer en dialogue avec les autres langues, les autres peuples.

Les jeunes filles savantes : conférence d’Andrea Oberhuber

L’éducation des femmes, et des jeunes filles, n’allait pas de soi au XVIIIe siècle.

Deux œuvres en guise d’introduction :

Molière

Molière se moque beaucoup des femmes savantes (les femmes ne doivent généralement pas être érudites). La pièce de Molière se termine comme toutes les comédies, c’est-à-dire bien. Le mariage, comme principal cadre sociétal, sert à résoudre la plupart des problèmes.

Colette Yver

Les femmes sont dépeintes comme niaiseuses, pour lesquelles le cerveau (comme organe de l’intelligence) n’est pas en adéquation avec leur sentimentalité, leur cœur.

Explication du titre de la conférence

Les figures de jeune femme instruites sont très rares. On a énormément progressé depuis 150 ans, notamment avec, en France, la mise en place d’institutions d’enseignement supérieur accessibles à tous par a République.

Comment la littérature fictionnalise-t-elle les figures de jeunes filles savantes?
Qu’est-ce que cela implique sur leur mode de vie (considérations financières, autonomie, etc.)?

Autant dans la fiction que dans la vie réelle, l’instruction des jeunes filles se fait parallèlement au désir – ou la nécessité – de devenir mère et bonne épouse, contradictoire avec la première vocation.

Il y a plusieurs figures androgynes (entre femme et homme); New Woman; cette image vient surtout de l’époque de la Première Guerre mondiale.

Questions :

Figures photographiques

Les tenues vestimentaires montrent une grande sagesse, les cheveux ne dépassent presque jamais les épaules.

Nouvelle figure, celle de la femme-auteure : la femme penchée sur son texte et qui néglige toutes ses autres activités (comme s’occuper de son enfant).

L’instruction du « beau sexe »

Qui sont les « jeunes femmes savantes »?

Un grand nombre de romanciers et romancières sont préoccupés par la question des types de connaissances qu’on doit offrir aux femmes, ce « beau sexe ».