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Invitées: Julie Boulanger et Amélie Paquet

→ Inciter à lire des œuvres de femmes.

5 raisons de lire des œuvres d’écrivaines

Les cours de littératures ne sont pas construits pour les femmes. L’école n’est pas faite par les femmes (ni pour les femmes).

Il faut détruire l’idée selon laquelle les cours de littérature sont «faits pour les femmes» (historiquement, ce n’est pas du tout le cas), et les exemples d’enseignement avec des œuvres avec protagonistes masculins abondent disproportionnellement.

Pour transmettre l’expérience des femmes

Les femmes sont des sujets, et surtout des sujets pensants, agissants!

Pour renouveler le regard sur le monde

Découvrir d’autres regards sur le monde. Ce sont des profils d’hommes blancs qui dominent.

Ces hommes blancs ont peut-être des opinions politiques très différents voire opposés, mais leur regard sur les femmes sont souvent homogènes. Les représentations des femmes sont relativement homogènes.

Il y a une certaine uniformité des femmes dans qui ont une place dans le canon littéraire. Les femmes sont généralement dans des situations minoritaires, elles sont reléguées à des rôles de second plan.

(Plusieurs arguments s’appliquent également aux autres minorités, comme les populations immigrantes, identités de genre multiples, minorités visibles et invisibles.)

Proposer une vision riche et complexe sur le monde; déjouer nos attentes (on est souvent conforté dans nos positions lorsque les personnages représentés par la littérature nous ressemblent - statu quo).

Pour relire l’histoire littéraire

L’enseignement de l’histoire (littéraire) est une chose vivante, il faut constamment réactiver les récits voire les questionner.

Fétichisation des femmes dans les différents manuels d’histoire (au Cégep notamment).

L’historien ne fait pas que prendre les livres existants; il retourne dans les archives, tente de retrouver ce qui a été distordu avec le temps.

On peut revoir Christine de Pisan au Moyen âge (histoire fascinante!), chose qu’on fait peu souvent!

Benjamin: regarder l’histoire pour mieux regarder l’avenir, donner au futur un potentiel révolutionnaire.

Les luttes féministes commencent beaucoup plus tôt qu’on le pense (ex. Christine de Pisan!), ça peut être une belle chose à faire vivre aux étudiant·es.

Pour favoriser la prise de parole de femmes

Mythe: littérature faite pour les femmes.

En classe, les hommes sont généralement minoritaires (ex. 1/3 du groupe) mais prennent la majorité du temps de parole.

Chose simple à faire: être attentif au tour de parole, faire passer autant d’hommes que de femmes, au moins proportionnellement au nombre de personnes en classe.

Favoriser la prise de parole des femmes. (C’est un processus long.)

L’enseignement est un acte de foi: les effets ne seront pas visibles dans l’immédiat, parfois même jamais visibles (ex. au cégep, période entre l’adolescence et l’âge adulte). Les étudiant·es sont dans une période de transition, touchent à un sujet sans nécessairement vouloir s’affirmer.

Contrecarrer les mécanismes qui réduisent les femmes au silence (il y en a beaucoup dans l’espace public).

Pour s’extraire du regard masculin

Autre raison importante: s’extraire du regard masculine. En ne lisant que des écrivains (masculins), on construit des représentations des femmes uniquement du point de vue des hommes (et donc, comment exister aux yeux des hommes).

En lisant des œuvres d’écrivains, les jeunes femmes se construisent à travers le regard des hommes. C’est aussi souvent des femmes fantasmées, rêvées qui sont représentées (donc pas des vraies femmes). En lisant des œuvres écrites par des écrivaines, on a donc accès à des «vraies femmes», pas seulement à des idéaux de nature sentimentale, mais à des «vrais» désirs.

Quelques principes d’éthique

Relation bienveillante et altruiste à l’étudiant·e

Parfois, les profs utilisent la salle de classe pour «combler un manque d’attention» (comme prof, l’attention est dirigé vers soi). Plutôt, être prof pour aider.

Comme prof, on peut se retrouver dans des situations de pouvoir (ex. étudiant·es très vulnérables, sur le bord de pleurer).

Juste «être prof», pas être l’ami, le patron, le père – réagir comme un·e professionnel·le, guider vers d’autres ressources. Mettre son ego de côté!

Principe éthique: curiosité et intérêt

Oui, il faut être conscient du regard que les étudiant·es posent sur nous (en tant que prof). Intérêt: redécouvrir les œuvres à travers le regard des étudiant·es, à chaque année!

Un livre qui n’est pas lu, c’est un livre qui est mort; avec les étudiant·es, relire c’est redonner vie aux œuvres.

Ça laisse la place au hasard. Certaines œuvres ne séduisent pas les étudiant·es – et c’est très correct. Ce n’est pas une fin en soi, ça ne doit pas être le seul objectif. Quand une œuvre fonctionne moins bien, il faut se demander pourquoi on a décidé de la mettre au programme: sujet important d’aborder, regard inédit sur le monde, découvrir un style riche (même si parfois difficile).

Donc, accepter le fait que ce ne sera pas toujours facile de faire lire certaines œuvres, mais il faut se rappeler des raisons pour lesquelles on a décidé de les présenter au départ.

Parfois, les étudiant·es gardent un souvenir superficiel d’une œuvre, ça peut donner des situations comiques; c’est bien de réagir et de renchérir là-dessus, voire approfondir.

Certaines œuvres demeureront incomprises, et chemineront peut-être avec le temps dans la tête des étudiant·es. Il faut rester ouvert vis-à-vis des critiques des étudiant·es, même si elles peuvent nous sembler parfois anachroniques. Il ne faut pas réagir négativement devant les réactions des étudiant·es, les mépriser – au contraire, être curieux de leurs réactions!

Correction respectueuse et emphatique

La correction doit toujours demeurer respectueuse et bienveillante. Au cégep, il faut revoir ses exigences (surtout celles acquises dans le milieu universitaire) et les adapter aux étudiants. On peut continuer à les appliquer à soi, mais il faut se rappeler que les étudiants sont dans leur cheminement, tout le monde fait des erreurs, surtout lorsqu’on est plus jeune (on a tous été étudiant·e!).

Les étudiant·es ont aussi peur d’être jugé·es, c’est une de leurs plus grandes peurs.

Même dans des moments de fatigue, d’impatience, il faut toujours maintenir le respect et éviter toute forme de jugement.

Autre truc: éviter de partager les «perles de correction» (même anonymes, elles peuvent être blessantes lorsque tournées en dérision).

Reconnaissance des enjeux raciaux et de classe sociale

Les classes sociales, c’est un enjeu très important, peut-être plus encore à l’université (parents riches et présents vs parents peu présents, peu scolarisés).

Consignes floues (ex. remettez un travail de 10 pages): les étudiants qui viennent de classes sociales favorisées n’auront pas de problème à se débrouiller, mais les élèves de classes moins favorisées risquent d’être désorientées, de ne pas savoir quoi faire.

Enjeux raciaux Principe de victoire unique: généraliser à partir d’un seul exemple. Ex. en connaissant une seule personne d’Haïti, on base toute notre expérience/connaissance sur une seule personne. Donc éviter que de tels enjeux retombent sur des personnes racisées (ex. seule personne racistes dans la classe).

Ressources (diaporama préparé par les invitées): https://docs.google.com/presentation/d/1iZuZlgwPwnmHW9B4sy1AFKhlD2pNLP8WUJc2RAybjOs

Période de questions

Q: Comment incarner une figure de professeur accueillante, voire «cool», qui invite à la prise de parole?

R: Ne pas être «trop» cool: les profs trop cools peuvent prendre toute la place, «se mettre en spectacle» en quelque sorte, et donc susciter l’effet contraire!

Truc: faire des tables rondes. Séparer en petits groupes (ex. 4 groupes d'1h pour un cours de 4h), c’est plus intime, ça favorise la prise de parole et une certaine égalité.

Autre truc: les étudiant·es aiment quand réagit positivement à leur intervention, «s’émerveiller» vis-à-vis de ce qu’ils·elles viennent de dire!