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Premier séminaire : Arts vivants, arts trompeurs

Jean-Marc Larrue fédère une communauté internationale (une «nébuleuse») d’arts trompeurs. Il s’agit d’examiner la distinction entre réel et faux.

De la tromperie au canular : le mélange des réalités en arts vivants

Robert Faguy, Université Laval

Exemple de performativité qui brouille la frontière entre fiction et réalité: Marina Abramović. L’actrice se place en objet, peut être déshabillée par le public. Un révolver et des balles sont posés près d’elle, un participant a même pu charger l’arme (avec de vraies munitions) jusqu’à ce que la situation soit devenue insoutenable et soit arrêtée par des gens de l’extérieur. Le caractère réel de l’arme suscite une tension supplémentaire chez les spectateurs et brouille l’aspect fictionnel de la mise en scène.


Piratage littéraire: Olivier Choinière, le Projet blanc et les spectateurs avec des baladeurs dans L’école des femmes au TNM (3 novembre 2011).

Technologies

Autrefois, avant le numérique, la vidéo était un médium linéaire.

Les technologies peuvent créer le doute, on ne connaît pas tous les codes et conventions de la machine.


Toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie.

— Arthur C. Clarke


(changement d’intervenant sans pause – à corriger pour les prochaines séances)

Perspectives néomatérialistes sur les arts trompeurs

Jean-Marc Larrue, Université de Montréal.

Définition de la médiation (néomatérialiste et non anthropocentrée – pas tournée sur les dynamiques humaines):

La médiation est un processus, une action ou un événement qui produit ou fournit les conditions en vue de l’émergence de sujets et d’objets, en vue de l’individuation d’entités à l’intérieur du monde.

Richard Grusin, «Radical mediation», Critical Inquiry, vol. 4, no 1, automne 2017, p. 127-138

Le modèle remédiant de Bolter et Grusin comporte les concepts clés suivants pour comprendre la médiation:

Transparence + immédiateté sont indissociables pour Bolter et Grusin: on ne perçoit pas la médiation, la médiation s’efface. Ce qui est représenté par la médiation donne l’impression d’être là – co-présence, immédiateté.

Pour les médias et les arts: reproduire une réalité le plus fidèlement possible.

Esthétiques correspondantes: mimésis, vraisemblance, illusionnisme, réalisme, naturalisme.

La copie se confond avec son modèle.

Zola et la transparence

L’Écran réaliste est un simple verre à vitre, très mince, très clair, et qui a la prétention d’être si parfaitement transparent que les images le traversent et se reproduisent ensuite dans leur réalité. L’Écran réaliste nie sa propre existence.

Zola

L'opacité, c’est le contraire de la transparence.

Dans l’opacité, on perçoit la médiation, elle est visible, audible, sensible…

Pour les médias et les arts: inscrire dans la production l’acte de reproduire.

Esthétiques correspondantes.

Fondement: déformation, flou, basse résolution, lowtech

Intérêt: la magie. Renée Bourassa, Samuel Szoniecky et Jean-Marc Larrue ont travaillé sur la magie, spécifiquement sur Harry Houdini (1874-1926), maître de l’illusion et de l’évasion.

Tout est question de maîtrise technique et technologique.

Dans le spectacle de magie moderne, on sait qu’il n’y a pas de surnaturel, on sait qu’il y a un truc.

Un dispositif totalement «opaque» donnerait à voir le processus du tour de magie (il n’y aurait donc plus de magie). À l’inverse, dans un spectacle trop transparent on ne sentirait pas l’effet. Il faut donc quelque chose d’autre, entre l’opacité et la transparence (pour qu’on ressente un peu l’effet).

Bolter et Grusin ont pressenti cette limite, c’est pourquoi ils ont introduit le concept d'hypermédiateté.

L’hypermédiateté contemporaine offre un espace hétérogène dans lequel la représentation n’est pas conçue comme une fenêtre sur le monde mais plutôt comme étant une fenêtre en tant que telle – avec des fenêtres qui s’ouvrent sur d’autres représentations ou d’autres médias. La logique de l’hypermédiateté multiplie les signes de médiation et, en ce sens, elle tente de reproduire le sensorium de l’expérience humaine.

Bolter et Grusin, Remediation, p. 34

La logique de l’hypermédiateté amène l’artiste (ou le programmeur multimédia ou le web designer) à rendre l’usager conscient de la présence du média et à faire en sorte qu’il tire plaisir de cette prise de conscience.

Bolter et Grusin

La théorie de Bolter et Grusin devient inopérante, parce qu’elle est trop liée à la reproduction.

Nouveau concept pour l’espace hypermédiatique: excommunication.

Excommunication: Three inquiries in media and mediation, Alexander R. Galloway, Eugene Thacker, Mckenzie Wark.

La pensée de l’excommunication annonce un changement paradigmatique majeur: il faut sortir de la communication puisqu’elle est trop limitée (d’où excommunication). La communication est une modalité de la médiation, elle n’en est ni le principe ni la matrice.


Question intéressante: qu’est-ce qui fait que nous non seulement suspendons notre crédulité, mais notre jugement?

Les Dark Media s’étendent bien au-delà de ces espaces comme le dark web ou le web profond.